Bonjour tout le monde, bienvenue à Impact économique. Aujourd'hui,
nous sommes le 20 novembre 2024 et comme à l'habitude, je suis en
compagnie de notre chef économiste, Stéfane Marion. Stéfane, on a eu
des élections aux États-Unis.
Oui Denis, avec un impact, plein de gens se demandent encore quelles
seront les perspectives, que ce soit économique, politique, et cetera.
Mais je peux te dire qu'entre temps, les marchés se réjouissent.
L'idée que l'élection — en fait la vague rouge qui a déferlé aux
États-Unis va amener plus de déréglementation, des baisses d'impôts
corporatifs et donc qui devraient soutenir l'économie et donc les
marchés, tant aussi bien Denis que toutes les classes d'actifs vont
bien. Autre chose, les investisseurs américains, de là la terminologie
en anglais ça vient des États-Unis nous disent que pour la prochaine
année, on voit encore l'embellie se poursuivre. Donc malgré 60% de
gains boursiers en seulement 2 ans, les investisseurs doivent se dire
ça devrait se poursuivre encore l'année prochaine. Il y a peut-être
certaines nuances à apporter dans les prochaines minutes, mais oui, il
y a beaucoup d'anticipations dans encore de meilleures nouvelles à venir.
Ils étaient positifs, ils sont encore plus positifs.
Exactement, nouveau record pour la bourse au niveau mondial.
Mais ce n’est pas la même situation partout dans le monde.
Non, c'est un nouveau regard pour la Bourse mondiale, mais seulement
3 pays qui ont atteint un nouveau record au mois de novembre, Denis:
les États-Unis, le Canada et la Hongrie. Donc ce n’est pas tout le
monde qui va bénéficier de ce qui se passe. Puis je pense qu’il y a
une certaine divergence qui est en train de s'établir. Les gens
deviennent plus sélectifs. Puis je pense qu'il va falloir être
sélectif au cours de la prochaine année au niveau des régions, des
secteurs qui bénéficieront ou non des nouvelles politiques économiques
qui seront déployées. Bon avec — c'est à nos portes Denis, ça va
commencer dès début 2025.
Effectivement, on voyait que le ratio cours-bénéfices était élevé
avant l'élection, mais il est encore plus élevé après l'élection.
Encore plus élevée Denis, puis en fait, je t'amène à quelque chose
que à part l'épisode de la COVID, moi j'ai commencé à travailler à la
banque en 1999 et à l'époque c'est ça se transigeais avec à 23 fois
les bénéfices prospectifs. Puis on pensait que c'était la nouvelle
normale, bon après ça, ça s'est révélé que ce n’était pas toujours
comme ça. Tout ça pour vous dire que à 23 fois, on est en territoire
de valorisation qu'on n'a pas vu en une génération. Donc faut espérer
que justement ces changements structurels de politique de
déréglementation, baisse d'impôts corporatifs puissent effectivement
maintenir les bénéfices des entreprises Denis.
Mais au même moment on voit aussi un changement important dans la
courbe de rendement parce qu’on n’avait pas vu depuis très longtemps.
Oui puis j'ai fait exprès pour la mettre celle-là parce que ça va
t'interpeller, parce que c'est toi le spécialiste des revenus fixes,
t'as fait toute ta carrière là-dessus. Puis j'aimerais attirer que
c'est vrai que comme économiste, pourquoi la bourse va bien? Parce que
la bourse se dit, la courbe des taux d'intérêt qui était inversée, on
en a parlé souvent, normalement ça présage d'un ralentissement
économique, non seulement c'est finalement désinversé après près de 2
ans d'inversion, puis elle devient positive. La bourse s'est dit mon
Dieu c'est magique, c'est magnifique, j'aurais plus de croissance.
Donc la réaction des marchés c'est aussi la réaction à la
pentification de la courbe.
C'est ça, on a une courbe qui se pentifie donc qui devient plus
positive. Mais au même moment on a des baisses de taux, on ne voit pas
ça souvent.
En fait, Denis, je te dirais que ni toi ni moi l'avons vu de notre
carrière. Depuis que la Réserve fédérale gère la politique monétaire
avec Fed funds, c'est la première fois où la Réserve fédérale baisse
les taux de 75 points de base et que les taux 10 ans sont en hausse de
près de 80 points de base. Donc on appelle ça une pentification
baissière. Denis, c'est difficile à mettre dans tes modèles
économiques, ce genre de pentification de la courbe des taux d'intérêt
si elle est baissière, avec des taux longs qui montent plus que les
taux courts, parce que tu peux pas calibrer ton modèle pour un épisode
que tu n'as jamais connu. Or on est un peu dans l'inconnu
présentement, donc il y a un marché obligataire qui dit "oui, je
pentifie, mais y a des choses qui m'agacent".
Oui ça démontre de l'incertitude dans le marché, forcément, avec des
taux à la hausse dans le long terme, ça c'est un signe. Mais en même
temps, il y a peut-être aussi le fait que le gouvernement américain va
avoir un déficit encore une fois extraordinaire.
En fait inédit, avec un taux de chômage à 4%, on va encore avoir un
déficit à 7%, ce qui m'amène une dette cumulée au PIB Denis qui
devrait excéder le record précédent qui avait été établi à la fin de
la 2e Guerre mondiale alors que les Américains finançaient une guerre
mondiale. Donc tout ça pour dire que présentement on est en territoire
inconnu parce qu'on va tester les capacités de l'Oncle Sam à emprunter
de façon très agressive et de continuer. Donc c'est là où les marchés
obligataires et la pentification qu'on voit présentement, il y a
probablement des choses comme ça qui commencent à agacer.
Oui mais en même temps les marchés demeurent encore positif pour les
années à venir. On l'a dit tantôt, mais quand on le regarde en
chiffre, c'est assez important.
Oui, puis en fait la pentification des taux c'est correct. Puis bon
il y a de la pentifications de content, mais c'est comme en même temps
au niveau des anticipations de bénéfices par action des entreprises,
les investisseurs en fait dans l'ensemble s'attendent à ce que les
bénéfices soient positifs dans toutes les régions du monde. Ce que
j'essaie de te dire Denis, c'est que le positionnement au niveau des
attentes de croissance des bénéfices, c'est comme si personne ne
perdait dans le nouvel environnement géopolitique.
Dans le Trump 2.0.
Dans le Trump 2.0 ou Washington républicain 2.0, oui.
Si on revient par contre au Canada, encore là, des nouvelles
divergentes sur l'inflation par rapport — pas par rapport à
l'inflation, mais le taux de chômage par rapport à nos amis Américains.
Oui OK, la bonne nouvelle c'est que l'indice boursier canadien, lui,
est un des 3 seuls à avoir atteint un nouveau record. Puis il y a des
anticipations que ça risque d'aller mieux un peu au Canada l'année
prochaine. Puis je pense Denis, dans ce contexte-là, ça reflète un peu
que, oui, la Banque du Canada doit aider l'économie canadienne en
2025, d'autant plus que le taux de chômage s'établit à plus de 5.5%
sur les gens de 25 à 54 ans qui sont cruciaux au niveau de la dépense
de consommation. Donc c'est beaucoup plus large aux États-Unis. Donc
Denis, on s'entend, si une divergence importante au niveau des taux de
chômage, il doit donc y avoir une divergence au niveau de la politique monétaire.
Puis en même temps, on voit que les taux de 2 ans des obligations
canadiennes sont à des presque records d'écart contre les taux
américains 2 ans.
C'est ça Denis, donc pour toi, pour moi encore une fois, c'est des
choses qui ont pas été vues en une génération. Ça au moins on les a
peut-être déjà vu une fois, donc des écarts de taux d'intérêt
importantes entre le Canada et les États-Unis, il y a des attentes
qu'il va avoir une persistance entre la divergence des 2 politiques
monétaires tant aussi longtemps que le Canada n'aura pas redéployé des
politiques plus porteuses. Ce que ça veut dire par contre Denis, dans
ce contexte-là, c'est que si les taux d'intérêt sont aussi bas par
rapport aux États-Unis, j'ai un dollar canadien qui se déprécie, qui a
atteint son plus haut niveau de dépréciation, 1.40$ pour 1.00$
américain depuis 2020. Il y a fort à parier qu'on puisse peut-être se
diriger vers 1.45$ dans ce contexte-là.
En fait, si le taux de chômage continue à augmenter puis pas
l'inflation, mais l'économie demeure un peu stagnante, la Banque va
continuer à baisser ses taux alors que les Américains pourraient les
baisser encore beaucoup moins rapidement, ou arrêter totalement. Donc
le dollar canadien va encore souffrir.
C'est ça, tant aussi longtemps que je ne corrige pas pour mon
déficit budgétaire, si les taux longs restent dictés à la Réserve
fédérale, t'as fini de baisser les taux donc c'est à voir, ça va être
passionnant mais passionnant peut amener certain son lot de
volatilité, par contre soyez prêt à vivre avec ça. Donc la reprise
post pandémique elle est inhabituelle, c'est même difficile à situer
dans quelle phase du cycle que nous sommes parce que moi je n’ai
jamais observé une penification de la courbe de rendement comme on le
voit présentement, puis y a pas justement que l'a pas observé, c'est
personne qui l'a vu depuis 1988 dans un cycle d'assouplissement
monétaire. Le marché boursier américain ce n’est certainement pas une
aubaine, donc espérons que la déréglementation puis les baisses
d'impôts se concrétisent plus rapidement. À voir, mais l'actuelle
pentification des courbes, surveillons les taux longs, il semble que
les marchés sont agacés par rapport aux dépenses budgétaires
indisciplinées, pas juste aux États-Unis, il y a la Chine, il y a
l'Europe à surveiller donc. Pas évident que tout le monde peut gagner
dans le nouveau régime de Washington, donc à surveiller.
L'intelligence artificielle, ça pourrait être un outil pour nous aider
à la productivité, à aider à des baisses de taux. Mais encore faut-il
que l'électricité devienne beaucoup plus abondante que là
présentement. Parce que là j'ai une contrainte à ce niveau-là, à
partir de 2027, 2028, j'ai besoin de beaucoup plus d'électricité, donc
à surveiller pour que ce soit des politiques énergétiques qui soient
redéfinies. Donc tout ça pour dire Denis, que soyons prudents pour les
prochains mois. Je sais, ça fait souvent qu'on dit, mais il y a
vraiment des changements structurels importants qui se profilent à
l'horizon. Donc on peut vivre avec de la volatilité, mais en autant
que vous soyez confortables à vivre avec de plus de volatilité.
C'est le mot de la fin. Merci Stéfane, merci de votre écoute et on
se revoit début décembre. À la prochaine.